Samedi 26 février au soir, les pays occidentaux ont adopté de nouvelles sanctions contre Moscou après l'invasion de l'Ukraine, en décidant notamment d'exclure de nombreuses banques russes de la plateforme interbancaire Swift, rouage essentiel de la finance mondiale. Sandy Campart décrypte cette décision et explique : ce qu’est la plateforme interbancaire Swift et comment elle fonctionne ? quelles sont les conséquences de cette exclusion pour les banques russes mais aussi les banques françaises et européennes ? et quels sont les autres moyens à disposition de l’UE et de l’Otan pour affaiblir financièrement la Russie et faire plier Poutine ?
Swift est l'acronyme de Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication. Il peut être considéré comme le Gmail du système bancaire mondial. Il transmet des messages sécurisés à plus de 11 000 institutions financières et entreprises, dans plus de 200 pays et territoires. Le trafic de messages - 42 millions par jour en moyenne l'année dernière - comprend les demandes et confirmations de paiements, les transactions et les échanges de devises. Il est supervisé par la Banque nationale de Belgique et des représentants de la Réserve fédérale américaine, de la Banque d'Angleterre, de la Banque centrale européenne, de la Banque du Japon et d'autres grandes banques centrales.
Un pays coupé de Swift peut subir d'importantes difficultés économiques. L'Iran en 2012 en a fait l'expérience, lorsque ses banques ont perdu l'accès à Swift dans le cadre des sanctions européennes ciblant le programme nucléaire du pays et ses sources de financement. Lorsque les pays occidentaux ont menacé l'accès de la Russie à Swift en 2014, Alexei Kudrin, ancien ministre des Finances, proche du président Vladimir Poutine, a estimé qu'il pourrait réduire le produit intérieur brut de la Russie de 5 % en un an. Couper la Russie de Swift pourrait également avoir des répercussions pour d'autres pays, car la Russie est un fournisseur d'énergie clé pour l'Europe et les pays comptent sur le système Swift pour payer le carburant.
Depuis 2014, la Banque de Russie gère son propre système de messagerie financière pour les banques russes et étrangères. Mais celui-là n'a qu'environ 400 utilisateurs. L'une des craintes des responsables occidentaux est que l'interdiction d'utiliser Swift inciterait l'utilisation de certaines alternatives comme les monnaies numériques et leur technologie sous-jacente.
La dépréciation du rouble et l’augmentation des créances « irrécouvrables » ainsi que l’accumulation de provisions constituent des menaces majeures pour les bénéfices des banques de l’UE alors que des sanctions plus sévères contre la Russie se profilent. Au premier rang des banques exposées, nous trouvons Raiffeisen, UniCredit et SocGen pour un montant de créances étrangères excédant les 104 milliards de dollars. Le risque de contagion peut cependant être considéré comme faible compte tenu de la faible contribution des entités russes à leurs résultats, à l’exception peut-être de Raiffeisen. Le PDG de SocGen (18 milliards d’euros d’exposition totale et une contribution au chiffre d’affaires inférieure à 3%) a déclaré dans une interview au FT le 10 février que le risque russe restait gérable.
Toute mesure visant l’industrie pétrolière et gazière peut s’avérer difficile à introduire, étant donné que la Russie est l’un des principaux fournisseurs mondiaux d’énergie, la hausse des prix étant déjà l'un des risques économiques majeurs du moment pour certaines économies occidentales. L’accès limité au marché obligataire principal de la Russie pour les acheteurs internationaux pourrait être une autre option pour les gouvernants. Mais le Trésor américain avait déjà averti en 2018 que toute sanction sur la dette souveraine de la Russie pourrait être déstabilisante, arguant que l’exclusion du pays des indices mondiaux pourrait déclencher des sorties allant jusqu’à 18 milliards de dollars et engendrer ainsi de sévères corrections sur les marchés obligataires.
A propos de l'auteur :
Sandy Campart est enseignant chercheur à l’université de Caen Normandie (IUP Caen), membre d’un laboratoire de recherche CNRS (CREM) et directeur de la collection Banque Finance aux éditions EMS. Ses travaux de recherche sont centrés sur la compréhension du comportement des investisseurs et le décryptage des évolutions boursières. Il est l’auteur de nombreux ouvrage dont "Investir responsable - Et si on donnait du sens à nos placements ?" (2022) - éditions EMS ; "Et si on osait investir en bourse ?" (2018), éditions EMS ; "Risques de taux d’intérêt et de change : identification et stratégies de couverture" (2016) - éditions AFNOR.
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Qu’est-ce que la plateforme interbancaire Swift et comment fonctionne-t-elle ?
Swift est l'acronyme de Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication. Il peut être considéré comme le Gmail du système bancaire mondial. Il transmet des messages sécurisés à plus de 11 000 institutions financières et entreprises, dans plus de 200 pays et territoires. Le trafic de messages - 42 millions par jour en moyenne l'année dernière - comprend les demandes et confirmations de paiements, les transactions et les échanges de devises. Il est supervisé par la Banque nationale de Belgique et des représentants de la Réserve fédérale américaine, de la Banque d'Angleterre, de la Banque centrale européenne, de la Banque du Japon et d'autres grandes banques centrales.
Quelles conséquences pour une banque d’en être privée ?
Un pays coupé de Swift peut subir d'importantes difficultés économiques. L'Iran en 2012 en a fait l'expérience, lorsque ses banques ont perdu l'accès à Swift dans le cadre des sanctions européennes ciblant le programme nucléaire du pays et ses sources de financement. Lorsque les pays occidentaux ont menacé l'accès de la Russie à Swift en 2014, Alexei Kudrin, ancien ministre des Finances, proche du président Vladimir Poutine, a estimé qu'il pourrait réduire le produit intérieur brut de la Russie de 5 % en un an. Couper la Russie de Swift pourrait également avoir des répercussions pour d'autres pays, car la Russie est un fournisseur d'énergie clé pour l'Europe et les pays comptent sur le système Swift pour payer le carburant.
Est-ce que cela prive totalement les banques russes d’échanges ou cela ne fait-il que ralentir les échanges ?
Depuis 2014, la Banque de Russie gère son propre système de messagerie financière pour les banques russes et étrangères. Mais celui-là n'a qu'environ 400 utilisateurs. L'une des craintes des responsables occidentaux est que l'interdiction d'utiliser Swift inciterait l'utilisation de certaines alternatives comme les monnaies numériques et leur technologie sous-jacente.
Quelles conséquences pour les banques françaises qui ont des filiales en Russie (comme la Société Générale, …) ?
La dépréciation du rouble et l’augmentation des créances « irrécouvrables » ainsi que l’accumulation de provisions constituent des menaces majeures pour les bénéfices des banques de l’UE alors que des sanctions plus sévères contre la Russie se profilent. Au premier rang des banques exposées, nous trouvons Raiffeisen, UniCredit et SocGen pour un montant de créances étrangères excédant les 104 milliards de dollars. Le risque de contagion peut cependant être considéré comme faible compte tenu de la faible contribution des entités russes à leurs résultats, à l’exception peut-être de Raiffeisen. Le PDG de SocGen (18 milliards d’euros d’exposition totale et une contribution au chiffre d’affaires inférieure à 3%) a déclaré dans une interview au FT le 10 février que le risque russe restait gérable.
Existe-t-il d’autres moyens encore plus drastiques pour handicaper l’économie russe ?
Toute mesure visant l’industrie pétrolière et gazière peut s’avérer difficile à introduire, étant donné que la Russie est l’un des principaux fournisseurs mondiaux d’énergie, la hausse des prix étant déjà l'un des risques économiques majeurs du moment pour certaines économies occidentales. L’accès limité au marché obligataire principal de la Russie pour les acheteurs internationaux pourrait être une autre option pour les gouvernants. Mais le Trésor américain avait déjà averti en 2018 que toute sanction sur la dette souveraine de la Russie pourrait être déstabilisante, arguant que l’exclusion du pays des indices mondiaux pourrait déclencher des sorties allant jusqu’à 18 milliards de dollars et engendrer ainsi de sévères corrections sur les marchés obligataires.
A propos de l'auteur :
Sandy Campart est enseignant chercheur à l’université de Caen Normandie (IUP Caen), membre d’un laboratoire de recherche CNRS (CREM) et directeur de la collection Banque Finance aux éditions EMS. Ses travaux de recherche sont centrés sur la compréhension du comportement des investisseurs et le décryptage des évolutions boursières. Il est l’auteur de nombreux ouvrage dont "Investir responsable - Et si on donnait du sens à nos placements ?" (2022) - éditions EMS ; "Et si on osait investir en bourse ?" (2018), éditions EMS ; "Risques de taux d’intérêt et de change : identification et stratégies de couverture" (2016) - éditions AFNOR.
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