Depuis l'invention du procédé Haber-Bosch qui a industrialisé la production d'engrais azotés, l'agriculture et la production agroalimentaire sont guidées par l'innovation. Tout comme dans d'autres secteurs, l'innovation a fait un bond en avant ces dernières années. Compte tenu de la nécessité d'aligner les contraintes externes (climat, biodiversité) et la demande croissante de denrées alimentaires, la technologie restera un thème d'investissement important.
Les solutions adoptées par le passé pour augmenter la production agroalimentaire étaient principalement fondées sur l'intensification de l’usage d’intrants (plus de terres, d'engrais, etc.). Les contraintes climatiques obligent désormais l'industrie à atteindre les mêmes résultats, mais en réduisant les ressources utilisées. Cela nous amène à l'importance d'étudier ce sujet à travers le prisme de la chaîne de valeur ou encore, d’après les termes employés par la Commission européenne, « de la ferme à l'assiette » (« from farm to fork »). L'augmentation de la productivité peut prendre place selon deux approches : l'amélioration de la productivité et la réduction des déchets.
Pour la plupart des gens, l’agritech fait allusion aux machines et aux robots, mais il s'agit d'un domaine bien plus vaste. Le changement climatique mettra à l'épreuve certains types de cultures (pénuries d'eau), d'où l'importance d'améliorer la génétique des semences (résistance à la sécheresse), mais aussi d'adapter les cultures plantées au climat. Si, dans un passé récent, l'innovation (tels que les OGM, qui ont surtout profité aux grandes entreprises semencières et agrochimiques) n'a pas vraiment profité à l'agriculteur ou au consommateur, cela devrait changer à l'avenir.
Pour garantir une adoption rapide de l'innovation, l'adhésion de l'agriculteur et du consommateur est nécessaire. Les agriculteurs (en particulier en Europe) se sentent sous pression en raison de l’ampleur de la nouvelle réglementation, ce qui signifie qu'ils ont besoin d'en tirer un avantage économique. Si l'on considère certaines des innovations qui ont été mises sur le marché, la technologie See & Spray développée par Deere en est un excellent exemple. See & Spray est un système de pulvérisation intelligent mis au point par Deere pour éliminer les mauvaises herbes dans les cultures. En ciblant les mauvaises herbes (au lieu de pulvériser un champ entier), le système réduit l'utilisation d'herbicides de 60 à 70% et offre de nombreux avantages. C'est un investissement rentable pour l'agriculteur qui réduit ses dépenses d'achat en herbicides. Il profite également à la biodiversité (moins d'herbicides appliqués) et au consommateur (moins de risques de résidus dans le produit final).
Nous nous attendons à ce que l'agritech continue d'être un thème d'investissement dans un avenir proche. Dans ce domaine, il est important de garder à l'esprit que les nouvelles technologies ont besoin d'un certain nombre d'éléments clés pour réussir : l’accessibilité financière (besoins d'investissement acceptables), la rentabilité (retour sur investissement décent grâce aux économies réalisées ou aux revenus supplémentaires) et la scalabilité (capacité à s'appliquer à grande échelle).
De nombreuses nouvelles technologies ont été développées, mais toutes les innovations qui arrivent sur le marché ne parviennent pas à avoir un impact à grande échelle. L'agriculture verticale (culture de légumes dans des entrepôts fermés avec un éclairage artificiel) semblait être un développement intéressant, mais de nombreuses initiatives se sont effondrées sous l'effet de l’accumulation des coûts d'investissement et d’exploitation.
En l'absence d'un changement radical et substantiel du comportement des consommateurs, la technologie et l'innovation sont le seul moyen de réduire de manière significative l'impact du secteur agricole sur l'environnement. Les estimations varient, mais si l'on considère le système agroalimentaire mondial, la Commission européenne estime qu'il représente environ 30% des émissions mondiales de GES[1]. Cela signifie que l’objectif de neutralité carbone n'est pas réalisable sans une contribution significative de l'industrie agricole. Non seulement le secteur contribue de manière significative aux émissions mondiales directes, mais le système de production agroalimentaire exerce également une pression indirecte sur l'environnement (déforestation, perte de biodiversité) et sur la santé des consommateurs (qualité de l'alimentation, problèmes de santé tels que l'obésité).
La production de viande bovine illustre parfaitement l'interdépendance de ces éléments. De toutes les formes de protéines, la viande bovine est de loin celle dont l'empreinte environnementale est la plus importante, car le taux de conversion est faible (quantités d'aliments utilisées pour obtenir un kilogramme de viande comestible). Les quantités importantes d'aliments pour nourrir les élevages nécessitent davantage de terres pour produire du soja et du maïs, ce qui entraîne de la déforestation, une utilisation accrue de pesticides, mais aussi davantage d'émissions directes provenant des troupeaux de bovins (le méthane provenant du système digestif ayant l'impact le plus important).
Tant que la consommation de viande bovine augmentera (sous l'effet de la demande des consommateurs), la technologie permettant de réduire l'impact de la chaîne de production existante constitue la meilleure solution, dans l’attente de solutions plus innovantes et plus rentables telles que la viande cultivée ou l'adoption par les consommateurs d'un régime alimentaire plus faible en viande. Dans le cadre de la production de viande bovine, cette technologie implique une production agricole plus efficace utilisant de meilleures semences et des équipements plus sophistiqués.
La seconde approche consiste à influer directement sur la production de viande bovine, en combinant l'amélioration de la génétique animale avec des additifs alimentaires qui optimisent la conversion et réduisent directement les émissions de méthane, ainsi qu’avec des solutions pour améliorer la qualité des aliments tels que les conservateurs naturels (tout en réduisant les déchets alimentaires). À titre d'exemple, nous pouvons citer le Bovaer, un additif alimentaire mis au point par DSM-Firmenich, qui réduit d'au moins 30% les émissions de méthane provenant du système digestif des ruminants. Le méthane étant beaucoup plus nocif que le CO2, il s'agit d'un moyen pertinent pour influencer les chaînes de production existantes, et ce, de façon directe et immédiate. Cela a sans aucun doute contribué à la création de l'alliance de lutte contre le méthane par six des plus grands producteurs laitiers lors de la COP28, les obligeant à publier un plan d'action concret sur la façon dont ils réduiront les émissions de méthane dans le cadre de leur production laitière.
En Europe, les agriculteurs n'ont pas la tâche facile. Le renforcement de la réglementation dans de nombreux domaines, qui entraîne des coûts et des investissements supplémentaires, combiné à l'impossibilité de répercuter ces coûts supplémentaires sur le prix de vente de leurs produits, rend difficile au secteur primaire de trouver son équilibre.
Comme c'est le cas dans d'autres secteurs, l'Europe n'a pas les coûts les plus bas en matière de production agroalimentaire. Cette situation est liée à un ensemble de règles plus strictes, mais aussi à des coûts plus élevés, notamment en ce qui concerne les terres et la main-d'œuvre.
La différence avec les produits alimentaires importés tient à la qualité des produits, car les produits de meilleure qualité se vendent généralement plus cher, ou à l'innovation. L'innovation peut donc jouer un rôle clé dans les années à venir et faire baisser les coûts en recourant à l'automatisation ou à l'agriculture de précision (moins d'intrants nécessaires).
[1] https://environment.ec.europa.eu/news/field-fork-global-food-miles-generate-nearly-20-all-co2-emissions-food-2023-01-25_en#:~:text=The%20researchers%20also%20estimated%20the,of%20the%20world's%20GHG%20emissions.
Lire aussi : Agriculture : et si la solution, c'était l'innovation ?
Les solutions adoptées par le passé pour augmenter la production agroalimentaire étaient principalement fondées sur l'intensification de l’usage d’intrants (plus de terres, d'engrais, etc.). Les contraintes climatiques obligent désormais l'industrie à atteindre les mêmes résultats, mais en réduisant les ressources utilisées. Cela nous amène à l'importance d'étudier ce sujet à travers le prisme de la chaîne de valeur ou encore, d’après les termes employés par la Commission européenne, « de la ferme à l'assiette » (« from farm to fork »). L'augmentation de la productivité peut prendre place selon deux approches : l'amélioration de la productivité et la réduction des déchets.
Pour la plupart des gens, l’agritech fait allusion aux machines et aux robots, mais il s'agit d'un domaine bien plus vaste. Le changement climatique mettra à l'épreuve certains types de cultures (pénuries d'eau), d'où l'importance d'améliorer la génétique des semences (résistance à la sécheresse), mais aussi d'adapter les cultures plantées au climat. Si, dans un passé récent, l'innovation (tels que les OGM, qui ont surtout profité aux grandes entreprises semencières et agrochimiques) n'a pas vraiment profité à l'agriculteur ou au consommateur, cela devrait changer à l'avenir.
Pour garantir une adoption rapide de l'innovation, l'adhésion de l'agriculteur et du consommateur est nécessaire. Les agriculteurs (en particulier en Europe) se sentent sous pression en raison de l’ampleur de la nouvelle réglementation, ce qui signifie qu'ils ont besoin d'en tirer un avantage économique. Si l'on considère certaines des innovations qui ont été mises sur le marché, la technologie See & Spray développée par Deere en est un excellent exemple. See & Spray est un système de pulvérisation intelligent mis au point par Deere pour éliminer les mauvaises herbes dans les cultures. En ciblant les mauvaises herbes (au lieu de pulvériser un champ entier), le système réduit l'utilisation d'herbicides de 60 à 70% et offre de nombreux avantages. C'est un investissement rentable pour l'agriculteur qui réduit ses dépenses d'achat en herbicides. Il profite également à la biodiversité (moins d'herbicides appliqués) et au consommateur (moins de risques de résidus dans le produit final).
Nous nous attendons à ce que l'agritech continue d'être un thème d'investissement dans un avenir proche. Dans ce domaine, il est important de garder à l'esprit que les nouvelles technologies ont besoin d'un certain nombre d'éléments clés pour réussir : l’accessibilité financière (besoins d'investissement acceptables), la rentabilité (retour sur investissement décent grâce aux économies réalisées ou aux revenus supplémentaires) et la scalabilité (capacité à s'appliquer à grande échelle).
De nombreuses nouvelles technologies ont été développées, mais toutes les innovations qui arrivent sur le marché ne parviennent pas à avoir un impact à grande échelle. L'agriculture verticale (culture de légumes dans des entrepôts fermés avec un éclairage artificiel) semblait être un développement intéressant, mais de nombreuses initiatives se sont effondrées sous l'effet de l’accumulation des coûts d'investissement et d’exploitation.
L’agriculture 4.0 au service de la durabilité
En l'absence d'un changement radical et substantiel du comportement des consommateurs, la technologie et l'innovation sont le seul moyen de réduire de manière significative l'impact du secteur agricole sur l'environnement. Les estimations varient, mais si l'on considère le système agroalimentaire mondial, la Commission européenne estime qu'il représente environ 30% des émissions mondiales de GES[1]. Cela signifie que l’objectif de neutralité carbone n'est pas réalisable sans une contribution significative de l'industrie agricole. Non seulement le secteur contribue de manière significative aux émissions mondiales directes, mais le système de production agroalimentaire exerce également une pression indirecte sur l'environnement (déforestation, perte de biodiversité) et sur la santé des consommateurs (qualité de l'alimentation, problèmes de santé tels que l'obésité).
La production de viande bovine illustre parfaitement l'interdépendance de ces éléments. De toutes les formes de protéines, la viande bovine est de loin celle dont l'empreinte environnementale est la plus importante, car le taux de conversion est faible (quantités d'aliments utilisées pour obtenir un kilogramme de viande comestible). Les quantités importantes d'aliments pour nourrir les élevages nécessitent davantage de terres pour produire du soja et du maïs, ce qui entraîne de la déforestation, une utilisation accrue de pesticides, mais aussi davantage d'émissions directes provenant des troupeaux de bovins (le méthane provenant du système digestif ayant l'impact le plus important).
Tant que la consommation de viande bovine augmentera (sous l'effet de la demande des consommateurs), la technologie permettant de réduire l'impact de la chaîne de production existante constitue la meilleure solution, dans l’attente de solutions plus innovantes et plus rentables telles que la viande cultivée ou l'adoption par les consommateurs d'un régime alimentaire plus faible en viande. Dans le cadre de la production de viande bovine, cette technologie implique une production agricole plus efficace utilisant de meilleures semences et des équipements plus sophistiqués.
La seconde approche consiste à influer directement sur la production de viande bovine, en combinant l'amélioration de la génétique animale avec des additifs alimentaires qui optimisent la conversion et réduisent directement les émissions de méthane, ainsi qu’avec des solutions pour améliorer la qualité des aliments tels que les conservateurs naturels (tout en réduisant les déchets alimentaires). À titre d'exemple, nous pouvons citer le Bovaer, un additif alimentaire mis au point par DSM-Firmenich, qui réduit d'au moins 30% les émissions de méthane provenant du système digestif des ruminants. Le méthane étant beaucoup plus nocif que le CO2, il s'agit d'un moyen pertinent pour influencer les chaînes de production existantes, et ce, de façon directe et immédiate. Cela a sans aucun doute contribué à la création de l'alliance de lutte contre le méthane par six des plus grands producteurs laitiers lors de la COP28, les obligeant à publier un plan d'action concret sur la façon dont ils réduiront les émissions de méthane dans le cadre de leur production laitière.
Quelles perspectives ?
En Europe, les agriculteurs n'ont pas la tâche facile. Le renforcement de la réglementation dans de nombreux domaines, qui entraîne des coûts et des investissements supplémentaires, combiné à l'impossibilité de répercuter ces coûts supplémentaires sur le prix de vente de leurs produits, rend difficile au secteur primaire de trouver son équilibre.
Comme c'est le cas dans d'autres secteurs, l'Europe n'a pas les coûts les plus bas en matière de production agroalimentaire. Cette situation est liée à un ensemble de règles plus strictes, mais aussi à des coûts plus élevés, notamment en ce qui concerne les terres et la main-d'œuvre.
La différence avec les produits alimentaires importés tient à la qualité des produits, car les produits de meilleure qualité se vendent généralement plus cher, ou à l'innovation. L'innovation peut donc jouer un rôle clé dans les années à venir et faire baisser les coûts en recourant à l'automatisation ou à l'agriculture de précision (moins d'intrants nécessaires).
[1] https://environment.ec.europa.eu/news/field-fork-global-food-miles-generate-nearly-20-all-co2-emissions-food-2023-01-25_en#:~:text=The%20researchers%20also%20estimated%20the,of%20the%20world's%20GHG%20emissions.
Lire aussi : Agriculture : et si la solution, c'était l'innovation ?