Les enjeux tournant autour du Trade Finance ont été au centre des discussions ce lundi 14 mai 2018 à la conférence annuelle de la Chambre de Commerce International France (ICC France). Au programme: accords de Bâle, plateforme digitale, compliance et incoterms 2020.
Malik Dahmoune, fondateur de Finelia, revient en sa qualité de chargé de la veille sur la digitalisation du Trade à la commission Fintech de l'AFTE, sur les points forts discutés par les protagonistes bancaires, juridiques et institutionnels.
La conférence a débuté avec une mise en contexte introduite par François Georges, délégué général d’ICC France, et Georges Affaki, président de la Commission bancaire d’ICC France.
Le commerce international doit aujourd’hui faire face à un contexte difficile, miné par nombre de mesures protectionnistes que sont la guerre des tarifs, les demandes de dispense ou encore le retrait d’accords multilatéraux.
L’assèchement capitalistique des marchés émergents, provoqué par des incertitudes et un climat favorable aux Etats-Unis, vient davantage assombrir la toile.
Les accords de Bâle III (partie 2), ratifiés le 7 décembre 2017 et dont l’application est prévue pour 2021, pourraient eux aussi affecter négativement le commerce international.
L’exigence croissante des régulateurs pesant sur les établissements financiers risquent de limiter le financement des opérations de Trade.
In fine, cela constituera un frein au secteur, bien que son traitement préférentiel devrait être maintenu lors de la transposition des accords dans la législation européenne.
Toutefois, malgré cet environnement nébuleux, les grandes banques présentes partagent une même conviction : le Trade Finance demeure un secteur porteur de croissance.
Cette vision, loin d’être une spécificité de l’hexagone, est à l’inverse mondialement partagée par le secteur bancaire, qui considère à 75% que le Trade Finance va poursuivre sa progression, selon une enquête menée en 2017 par la Commission Bancaire d’ICC auprès de 250 banques réparties dans 90 pays.
Cette étude révèle toutefois l’incapacité des banques à répondre aux besoins de financement mondial, soulignant un taux de transactions rejetées atteignant 20% en Asie, Afrique et Moyen-Orient, contre 10% en Europe et Amérique du Nord.
Les raisons invoquées sont variées : caractère peu intéressant de la transaction se traduisant par une absence de ligne de crédit, profil de risque compromettant, manque de collatéral, problématique de compliance…
C’est néanmoins un gap de financement colossal de 1600 milliards de dollars qui impacte le développement du commerce international et permet de prédire l’arrivée de nouveaux entrants.
Grâce aux techniques de paiement et de garantie traditionnelles (LC, garanties, etc.), de nombreuses opérations bénéficient dès aujourd’hui d’une sécurité bienvenue pour les corporates.
Néanmoins, une partie des échanges internationaux reste non sécurisée : les opérations dites d’open account. Les banques ont aujourd’hui l’ambition de prendre des parts de marché sur les financements qui leur échappent.
Longtemps réticentes, elles embrassent enfin les nouvelles technologies pour proposer de nouvelles solutions, plus sécurisantes et simples d’utilisation. Cet engouement manifeste se traduit par un foisonnement de projets de numérisation et de plateformes digitales qui promettent une modernisation du Trade longuement désirée.
Ces market places et autres plateformes digitales portées par les banques européennes utilisent la technologie de la blockchain pour mettre en relation les acteurs d’une opération.
Ces environnements promettant structuration et sécurité, notamment aux opérations de supply chain management et d’open account, ne jouissent toutefois que d’une portée limitée : les PME et les opérations intra-européennes.
De plus, la multiplication des projets pose un problème majeur : celui de la gouvernance. Aujourd’hui aucun protocole (Ethereum, Corda, Korum) n’est encore parvenu à s’imposer comme standard, ce qui semble dessiner la voie vers un avenir dans lequel de multiples plateformes logistiques et de financement cohabiteraient entre elles, soulevant le défi de l’interopérabilité.
Le cadre juridique actuel reste lui aussi très insatisfaisant et constitue l’un des principaux freins à la pérennité et au développement de ces initiatives. La Commission Bancaire de l’ICC souligne en effet la nécessité, pour la digitalisation du trade, de l’assurance juridique qu’est la qualité légale des documents digitaux.
Avec des exigences de conformité toujours plus accrues de la part des Etats et des corporates, la compliance est l’autre grande préoccupation majeure à avoir été abordée. Le comité Compliance de l’ICC, associé aux groupes Wolfsberg et BAFT, a ainsi constitué des guidelines pour établir un standard de conformité minimum.
Tandis que le premier volet, publié en janvier 2017, portait sur les techniques de paiement sécurisé (crédit documentaire, garanties…), le second devrait couvrir les opérations d’open account, de revente de risques, de payable finance et de receivable discountings.
La commission y préconise entre autres le contrôle spécifique, selon la dimension de l’établissement financier et les domaines de risque, au contrôle généralisé.
Bien que la connaissance du client soit impérative afin de déterminer clients et domaines à risque, le KYC connait des limites et un KYCC empêcherait la stabilisation de normes et serait ainsi dommageable. Par ailleurs, le contrôle des biens à double usage ne peut être assuré par le banquier mais relève de l’autorité des douanes, présentes sur le terrain.
L’après-midi s’est achevée sur une présentation des incoterms 2020. Adoptés internationalement, les incoterms jouissent d’un accueil favorable de la part du secteur, leur révision ne devrait donc constituer que d’ajustements mineurs.
Bien que longtemps demandé, le transfert de propriété relèvera toujours du droit applicable. Néanmoins, la répartition des coûts entre acheteur et vendeur devrait être éclaircie. Le DAT (Delivery At Terminal), jugé trop restrictif, deviendrait le DPU (Delivery at Place Unloaded) et permettrait de choisir un point de décharge autre qu’un terminal. Les incoterms FOB et FCA devraient être réformés pour résoudre les complications liées aux marchandises en conteneur.
Le FOB changerait ainsi de point de livraison, tandis que le FCA pourrait prévoir une remise de BL afin de faciliter les crédits documentaires. CIP et CIF pourraient eux aussi connaître des modifications.
Suite aux demandes des corporates, une assurance équivalente (clause A) serait instaurée pour les marchandises vendues en CIP (transport multimodal), tandis que l’assurance minimale (clause C) resterait de vigueur pour les marchandises vendues en CIF (fret). Cette clause par défaut pourrait toutefois être écartée par les partenaires.
Enfin, le guide devrait être disponible en version digitale et voir son prix réduit afin d’en faciliter l’adoption et éviter mauvais usage et incompréhension. Ces nouveaux incoterms 2020 seront introduits début 2019, marquant ainsi le centenaire de l’ICC.
Plus d’infos :
Conférence annuelle de la Chambre de Commerce International France (IIC France)
Association Française des Trésoriers d’Entreprise (AFTE)
Malik Dahmoune , fondateur de Finelia
LinkedIn Malik Dahmoune
0146443168
Téléchargement :
Compte-rendu ICC Trade Finance 14-05-18
La conférence a débuté avec une mise en contexte introduite par François Georges, délégué général d’ICC France, et Georges Affaki, président de la Commission bancaire d’ICC France.
Le commerce international doit aujourd’hui faire face à un contexte difficile, miné par nombre de mesures protectionnistes que sont la guerre des tarifs, les demandes de dispense ou encore le retrait d’accords multilatéraux.
L’assèchement capitalistique des marchés émergents, provoqué par des incertitudes et un climat favorable aux Etats-Unis, vient davantage assombrir la toile.
Les accords de Bâle III (partie 2), ratifiés le 7 décembre 2017 et dont l’application est prévue pour 2021, pourraient eux aussi affecter négativement le commerce international.
L’exigence croissante des régulateurs pesant sur les établissements financiers risquent de limiter le financement des opérations de Trade.
In fine, cela constituera un frein au secteur, bien que son traitement préférentiel devrait être maintenu lors de la transposition des accords dans la législation européenne.
Toutefois, malgré cet environnement nébuleux, les grandes banques présentes partagent une même conviction : le Trade Finance demeure un secteur porteur de croissance.
Cette vision, loin d’être une spécificité de l’hexagone, est à l’inverse mondialement partagée par le secteur bancaire, qui considère à 75% que le Trade Finance va poursuivre sa progression, selon une enquête menée en 2017 par la Commission Bancaire d’ICC auprès de 250 banques réparties dans 90 pays.
Cette étude révèle toutefois l’incapacité des banques à répondre aux besoins de financement mondial, soulignant un taux de transactions rejetées atteignant 20% en Asie, Afrique et Moyen-Orient, contre 10% en Europe et Amérique du Nord.
Les raisons invoquées sont variées : caractère peu intéressant de la transaction se traduisant par une absence de ligne de crédit, profil de risque compromettant, manque de collatéral, problématique de compliance…
C’est néanmoins un gap de financement colossal de 1600 milliards de dollars qui impacte le développement du commerce international et permet de prédire l’arrivée de nouveaux entrants.
Grâce aux techniques de paiement et de garantie traditionnelles (LC, garanties, etc.), de nombreuses opérations bénéficient dès aujourd’hui d’une sécurité bienvenue pour les corporates.
Néanmoins, une partie des échanges internationaux reste non sécurisée : les opérations dites d’open account. Les banques ont aujourd’hui l’ambition de prendre des parts de marché sur les financements qui leur échappent.
Longtemps réticentes, elles embrassent enfin les nouvelles technologies pour proposer de nouvelles solutions, plus sécurisantes et simples d’utilisation. Cet engouement manifeste se traduit par un foisonnement de projets de numérisation et de plateformes digitales qui promettent une modernisation du Trade longuement désirée.
Ces market places et autres plateformes digitales portées par les banques européennes utilisent la technologie de la blockchain pour mettre en relation les acteurs d’une opération.
Ces environnements promettant structuration et sécurité, notamment aux opérations de supply chain management et d’open account, ne jouissent toutefois que d’une portée limitée : les PME et les opérations intra-européennes.
De plus, la multiplication des projets pose un problème majeur : celui de la gouvernance. Aujourd’hui aucun protocole (Ethereum, Corda, Korum) n’est encore parvenu à s’imposer comme standard, ce qui semble dessiner la voie vers un avenir dans lequel de multiples plateformes logistiques et de financement cohabiteraient entre elles, soulevant le défi de l’interopérabilité.
Le cadre juridique actuel reste lui aussi très insatisfaisant et constitue l’un des principaux freins à la pérennité et au développement de ces initiatives. La Commission Bancaire de l’ICC souligne en effet la nécessité, pour la digitalisation du trade, de l’assurance juridique qu’est la qualité légale des documents digitaux.
Avec des exigences de conformité toujours plus accrues de la part des Etats et des corporates, la compliance est l’autre grande préoccupation majeure à avoir été abordée. Le comité Compliance de l’ICC, associé aux groupes Wolfsberg et BAFT, a ainsi constitué des guidelines pour établir un standard de conformité minimum.
Tandis que le premier volet, publié en janvier 2017, portait sur les techniques de paiement sécurisé (crédit documentaire, garanties…), le second devrait couvrir les opérations d’open account, de revente de risques, de payable finance et de receivable discountings.
La commission y préconise entre autres le contrôle spécifique, selon la dimension de l’établissement financier et les domaines de risque, au contrôle généralisé.
Bien que la connaissance du client soit impérative afin de déterminer clients et domaines à risque, le KYC connait des limites et un KYCC empêcherait la stabilisation de normes et serait ainsi dommageable. Par ailleurs, le contrôle des biens à double usage ne peut être assuré par le banquier mais relève de l’autorité des douanes, présentes sur le terrain.
L’après-midi s’est achevée sur une présentation des incoterms 2020. Adoptés internationalement, les incoterms jouissent d’un accueil favorable de la part du secteur, leur révision ne devrait donc constituer que d’ajustements mineurs.
Bien que longtemps demandé, le transfert de propriété relèvera toujours du droit applicable. Néanmoins, la répartition des coûts entre acheteur et vendeur devrait être éclaircie. Le DAT (Delivery At Terminal), jugé trop restrictif, deviendrait le DPU (Delivery at Place Unloaded) et permettrait de choisir un point de décharge autre qu’un terminal. Les incoterms FOB et FCA devraient être réformés pour résoudre les complications liées aux marchandises en conteneur.
Le FOB changerait ainsi de point de livraison, tandis que le FCA pourrait prévoir une remise de BL afin de faciliter les crédits documentaires. CIP et CIF pourraient eux aussi connaître des modifications.
Suite aux demandes des corporates, une assurance équivalente (clause A) serait instaurée pour les marchandises vendues en CIP (transport multimodal), tandis que l’assurance minimale (clause C) resterait de vigueur pour les marchandises vendues en CIF (fret). Cette clause par défaut pourrait toutefois être écartée par les partenaires.
Enfin, le guide devrait être disponible en version digitale et voir son prix réduit afin d’en faciliter l’adoption et éviter mauvais usage et incompréhension. Ces nouveaux incoterms 2020 seront introduits début 2019, marquant ainsi le centenaire de l’ICC.
Plus d’infos :
Conférence annuelle de la Chambre de Commerce International France (IIC France)
Association Française des Trésoriers d’Entreprise (AFTE)
Malik Dahmoune , fondateur de Finelia
LinkedIn Malik Dahmoune
0146443168
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Compte-rendu ICC Trade Finance 14-05-18